Port-Gentil, la ville qui sombre
La capitale économique du Gabon est en première ligne face au changement climatique. Submersion, érosion, inondations : le compte à rebours a commencé pour des milliers d'habitants coincés entre la mer et l'impuissance.

Ils ont les pieds dans l’eau, et bientôt l’eau jusqu’au cou. À Port-Gentil, le constat est brutal : la mer gagne du terrain, maison après maison. Dans le quartier sud, l’urgence est totale. Des jeunes empilent frénétiquement des sacs de sable pour construire des remparts dérisoires contre les assauts de l’océan.
« On ne peut pas reculer. On n’a nulle part où aller », lance Jean, président d’une association de jeunes bénévoles. Son combat quotidien : un sacerdoce pour retarder l’inévitable. Quelques mètres plus loin, des jardins ont été avalés, laissant place à des amas de sable où les murs fissurés menacent de céder. Le destin de milliers de familles se joue ici, sur un front de guerre liquide.
Le diagnostic d’une agonie annoncée.
Le responsable ? Tout le monde le nomme : le changement climatique. Henry Michel, défenseur de l’environnement, arpente chaque semaine un littoral en net recul. « Les courants ont une force inhabituelle, les vents soufflent dans le mauvais sens. Quelque chose ne tourne pas rond ». Mais la ville est aussi victime de ses propres maux : déforestation, envasement, constructions sauvages et surtout, la subsidence – un affaissement lent et fatal du sol.
Port-Gentil s’enfonce pendant que la mer monte. Un cocktail explosif. Une bataille perdue d’avance ?
Face au désastre, la mairie tente de se battre. Le maire, Gabriel, priorise la lutte contre les inondations, avec un réseau de drainage pharaonique de 20 km pour un coût de plus de 50 millions d’euros. Mais il le sait : sans aménagements côtiers colossaux, ces investissements pourraient être emportés par les marées d’ici 20 à 30 ans. « Renforcer les digues est une course contre la montre », admet-il. Une course que la ville semble déjà en train de perdre.
La conclusion froide des experts : l’exil
À Libreville, au siège du Conseil national du climat, les projections scientifiques sont sans appel. Magloire-Désiré Mounganga, coordinateur du Plan climat, est formel : « Port-Gentil pourrait disparaître d’ici le prochain siècle ». Le verdict est glaçant : la ville se serait déjà abaissée de 4 mètres en dix ans, la plaçant sous le niveau de la mer. Les modèles prévoient une hausse supplémentaire de 65 cm de l’océan dans les prochaines années. Les lois et les politiques ne suffiront pas.
La solution ultime, déjà sur la table, est aussi la plus radicale : déplacer la ville. Le destin de Port-Gentil sonne comme un avertissement cinglant pour toute l’Afrique côtière. Ici, l’avenir n’est plus une question de résilience, mais de survie.