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Accord RDC-M23 : La proposition périlleuse d’une force mixte pour sécuriser l’Est

À Doha, les pourparlers de paix butent sur une question explosive : qui contrôlera la sécurité des territoires conquis par la rébellion ? Un projet d’accord, dont nous avons pris connaissance, envisage la création d’une force hybride, une solution audacieuse qui soulève de profonds risques et défie la souveraineté de l’État.

Les discussions entre le gouvernement de la République Démocratique du Congo et le mouvement rebelle M23 pourraient reprendre cette semaine au Qatar, avec une proposition contenue dans le draft d’accord qui fait peser une lourde menace sur le processus. Il s’agit de la création controversée d’une « Force spéciale intérimaire pour la région affectée », une mesure présentée comme un compromis mais qui pourrait acter une partition de fait de l’Est du pays.

Ce projet, transmis par la médiation aux deux parties, constitue une tentative extrême pour concilier l’inconciliable : le refus catégorique de Kinshasa d’une force tampon internationale et l’intransigeance du M23, qui rejette tout retrait pur et simple des zones qu’il occupe militairement.

Une cogestion sous haute tension

Le mécanisme envisagé est d’une complexité redoutable. Cette force interarmes, seule habilitée à opérer dans la zone de conflit, serait composée pour moitié de combattants du M23 et pour l’autre moitié de policiers congolais (PNC) et de civils locaux, mais en excluant délibérément l’armée régulière (FARDC). Placée sous l’autorité théorique du ministère de l’Intérieur, son recrutement et son fonctionnement seraient en réalité supervisés par un « mécanisme multilatéral de suivi », dessinant les contours d’une administration sécuritaire hybride et sous tutelle étrangère.

Le mandat de cette force, prévu pour cinq ans renouvelables, n’est que la première étape d’un plan à haut risque. À son terme, l’accord prévoit la dissolution de l’unité et l’intégration « progressive » de ses membres – donc des rebelles – soit dans les FARDC, soit dans la police nationale.

L’impasse constitutionnelle

C’est précisément sur ce point crucial que le bât blesse et où le projet révèle toute sa fragilité. La manœuvre se heurte de front à une interdiction formelle de l’Assemblée nationale congolaise, qui a voté une loi bannissant toute intégration des membres de groupes armés dans l’armée. Cette proposition, si elle était entérinée, plongerait le pays dans une crise institutionnelle majeure et reviendrait à légitimer la prise de pouvoir par les armes.

En clair, les discussions à Doha naviguent en eaux extrêmement troubles. La création de cette force spéciale représenterait une forme de cogestion militaro-politique d’un territoire congolais par ses propres assaillants, sous couvert d’une supervision internationale. Un précédent dangereux qui pourrait fragiliser irrémédiablement l’autorité de l’État.

Il est crucial de le rappeler dans toute sa gravité : ce texte n’est pour l’heure qu’un projet. Un document de travail qui, face aux immenses périls qu’il contient, pourrait être profondément amendé ou purement et simplement rejeté par l’une des parties, précipitant la région dans une nouvelle phase d’incertitude et de violence. L’enjeu des prochains jours n’est autre que l’intégrité et la souveraineté de la nation congolaise.

 

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