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Bwiti : le nouveau package « spiritualité expresse » qui affole le marché gabonais

Dans la jungle des traditions spirituelles, une star gabonaise monte, plane et défie toute concurrence : le Bwiti. Mais attention, la version 2024 n’a plus grand-chose à voir avec le vieux modèle de nos ancêtres. Désormais, il se décline en forfaits « Initiation Express », « Voyage Garanti vers l’Au-Delà » et pack « Rencontre avec les Ancêtres (sans fil d’attente) ». La demande est si forte que le secteur est en pleine disruption, au grand dam des puristes.
 
Un rite millénaire transformé en secteur à haut rendement
 
Tout le monde en veut. Hommes politiques en quête de légitimité, businessmen en mal de contrats, stars internationales en recherche de sens (et de contenu pour leurs réseaux sociaux). Le Bwiti, cette tradition initiatique qui promet un voyage cosmique en première classe grâce à la célèbre plante Iboga, est plus tendance que jamais.
 
Seul hic : la plante est prohibée en Occident, ce qui en fait un produit d’appel exclusif, une expérience limited edition qui justifie apparemment des prix tout aussi cosmiques. « Les gens font les calculs comptables », déplorait récemment Simon Pierre Ovono Eyene, lors d’une conférence au Musée national. Et il sait de quoi il parle : le business est si juteux que tout le monde s’est improvisé « Maître Initiateur Certifié », souvent après une formation accélérée sur YouTube.
 
Des déboires qui font tache sur la marque « Bwiti »
 
La course au profit a  ses conséquences. La promesse marketing – « Voyagez, voyez Dieu et ses serviteurs ! » – n’est pas toujours tenue. Certains clients se plaignent de voyages bien trop mouvementés, avec des retours compliqués : descentes aux enfers au lieu du paradis, bugs techniques menant à la psychose, et absence totale de service après-vente.
 
Résultat, la réputation de la marque en prend un coup. « La peur du décès ou de la folie jette un discrédit sur l’initiation », constate M. Ovono Eyene. Fini le temps de la spiritualité sereine ; place au bad trip et aux avis Google à une étoile : « Déconseillé. Le chamane a passé tout le rite au téléphone. L’au-delà avait une mauvaise connexion. »
 
L’appel à la régulation : le Conseil National des Rites, Nouvel ARCEP Mystique?
 
Face à cette pagaille spirituelle, notre expert lance un cri du cœur : il est temps de sortir l’artillerie lourde de la bureaucratie ! « Pour éviter le désordre actuel, il faut activer le Conseil National des Rites et Traditions, seul organe habilité à réguler ce secteur. »
 
Enfin une lueur d’espoir ! Imaginez la scène : des fonctionnaires en boubou évaluant le cahier des charges des visions mystiques, délivrant des agréments aux chamanes après un audit qualité, et imposant un tarif réglementé pour la rencontre avec les esprits. « Votre numéro d’immatriculation mystique, s’il vous plaît ? Votre initiation est conforme au décret n° 2024-125 sur la qualité des voyages astraux ? »
 
C’est ça, la véritable modernité : un syncrétisme parfait entre la tradition la plus pure et l’amour gabonais pour les commissions administratives. Le Bwiti, patrimoine immatériel de l’humanité, sera bientôt doté d’une norme ISO 9002.
 
 Au-delà de la satire, le message de Simon Pierre Ovono Eyene est crucial. Le Bwiti n’est pas un produit de consommation. C’est le ciment d’une philosophie, d’une histoire et d’une identité gabonaise. Le réduire à un trip hallucinogène commercialisé par des apprentis-sorciers qui ont vu avatar trop de fois, c’est le vider de son sens.
 
La solution ? Peut-être commencer par écouter les sages qui, comme Ovono Eyene, rappellent que « la compétence du bon initiateur découle de sa formation », et non de son talent pour monter une SARL au nom évocateur.
 
En attendant la mise en place de ce précieux Conseil, méfiez-vous des offres trop alléchantes. Un vrai voyage vers l’au-delà, ça ne se commande pas comme un menu Ubereats. C’est peut-être même le contraire.

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