Société
Gabon , la riziculture : une alternative stratégique à la dépendance alimentaire

Avec une consommation annuelle de 44 kg par habitant et des importations atteignant 95 286 tonnes en 2023 (valant 41 milliards de FCFA), le riz représente le deuxième céréale le plus consommé au Gabon . Cette dépendance aux importations asiatiques expose le pays à une vulnérabilité économique et alimentaire, exacerbée par la flambée des prix sur les marchés internationaux. Les ménages gabonais, comme en témoigne Denise, restauratrice à Libreville, subissent directement ces fluctuations : « Avant, j’achetais deux ou trois sacs ; aujourd’hui, je dois me contenter d’un seul ».
Un secteur agricole en mutation : des données inédites révélées
Le Recensement Général de l’Agriculture (RGA), réalisé avec l’appui de la FAO et de la Banque mondiale, a livré en 2024 des données cruciales après 50 ans d’absence de statistiques agricoles . Le Gabon compte désormais 79 653 ménages

agricoles et 105 932 exploitants ;155 884 parcelles cultivées, dont 83 % font moins d’un hectare ; le manioc et la banane dominent, mais le riz émerge comme culture stratégique.Ces chiffres soulignent le potentiel inexploité d’un secteur agricole essentiel pour les zones rurales, où le taux de pauvreté atteint 59,5 % .
Une stratégie nationale ambitieuse : le NRDS
Le Gabon a adopté en 2024 une Stratégie Nationale de Développement du Riz (NRDS) visant à couvrir 60 % de la demande locale d’ici 2033 . Pilotée par l’Agence de Développement Agricole (ADAG) avec le soutien de la CARD et de la JICA, cette stratégie s’articule autour de : du renforcement de la gouvernance du secteur rizicole ; du mécanisation et modernisation des équipements ; de l’amélioration de la transformation et de la commercialisation ; et enfin l’ intensification agricole via des techniques innovantes .Une table ronde des donateurs en novembre 2024 a mobilisé des partenaires comme la Banque Africaine de Développement et le Brésil, engagés à fournir expertise et financements .
Des initiatives locales prometteuses : Nyali et au-delà
Sur le terrain, des projets concrets voient le jour : La rizière de Nyali (11 hectares) produit déjà 5 tonnes de riz et vise 2 000 tonnes annuelles à terme. Son superviseur, Judicaël Makanga, affirme : « Notre bataille, c’est que la majorité des Gabonais bénéficie du riz made in Gabon » Des expérimentations de semences près de Libreville, dirigées par le Dr Yonel Moukoumbi, ont permis des croisements viables après 7 ans de recherche.Ces initiatives s’appuient sur une approche multi-acteurs intégrant petits producteurs, privés et recherche .
Défis et perspectives : un chemin semé d’embûches
Malgré les avancées, les obstacles persistent : L’ accès limité aux financements pour les petits producteurs ; le manque d’infrastructures de transformation et de stockage ; la nécessité de formaliser les projets pour attirer les investisseurs .La FAO et la Banque mondiale insistent sur l’importance des données actualisées pour guider les politiques publiques . Le gouvernement gabonais devra également adresser les inégalités rurales-urbaines pour garantir une inclusion équitable des acteurs agricoles.
Le Gabon est à un tournant décisif. En combinant stratégie nationale, initiatives locales et soutiens internationaux, le pays peut transformer sa dépendance rizicole en opportunité économique. Comme le résume le Dr Moukoumbi : « On ne peut pas à 100 % dépendre des importations. La souveraineté alimentaire exige qu’on travaille dès maintenant ». L’objectif de réduction de 50 % des importations d’ici 2030 est ambitieux mais réalisable si tous les acteurs maintiennent le cap .
RépondreTransférer
|