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Rentrée scolaire à Libreville : La grande foire d’échange des élèves est ouverte !

Alors que l’odeur de la craie neuve et des livres non ouverts devrait embaumer les couloirs, c’est une tout autre effervescence qui règne dans les établissements scolaires de la capitale. Suite à la désormais célèbre « rentrée administrative », les tableaux d’affichage des lycées et collèges ont été métamorphosés en véritables marketplaces de l’éducation, où l’on ne trade pas des actions, mais des adolescents. Le concept ? La permutation, un système D grandeur nature qui permet aux parents de minimiser les frais de transport… et surtout, de contourner allègrement le chef-d’œuvre d’improvisation qu’est l’orientation académique gabonaise.

Devant ces panneaux où s’étalent les offres et les demandes (« Lycée Bessieux cherche élève pour internat contre place en centre-ville »), la confusion est reine. Les parents, transformés en day-traders anxieux, scrutent les listes avec l’espoir de dénicher la perle rare qui acceptera d’échanger son précieux sésame pour un établissement plus proche de chez eux.

(Pour preuve de cette ruée vers l’élève rare, écoutons Chancia Djembi, parente d’élève et désormais négociatrice en chef, qui arpente les couloirs à la recherche du Graal 🙂 « Elle a été orientée ici mais je ne trouve pas son nom. Ma deuxième fille habite plus loin de l’établissement. Je cherche quelqu’un avec qui permuter. »

Une quête qui ressemble furieusement à la recherche d’un partenaire pour un tango bureaucratique, où l’on évite soigneusement de marcher sur les pieds de l’administration. Car, bien entendu, cette pratique informelle mais généralisée se doit d’être validée par les autorités compétentes, qui assistent au spectacle avec une bienveillance teintée d’une certaine résignation. Florence Nzé, censeure de collège,  endosse avec philosophie son nouveau rôle de conseillère en permutation, une matière qui, étrangement, ne figure dans aucun programme officiel : « Il y a des élèves qui ont été mal orientés. Ils nous reviennent pour solliciter nos conseils sur la démarche à suivre. Puis nous les orientons vers l’administration compétente. »

Un bel euphémisme pour décrire un système où l’élève se retrouve à devoir se désorienter lui-même pour espérer être correctement réorienté. Heureusement, la technologie est là pour sauver les apparences ! Les chefs d’établissement, tels des demi-dieux olympiens, affirment avoir mis en place des outils modernes pour apaiser cette foire d’empoigne.

Et pour nous le prouver, voici Gaston Otoghe Nzé, proviseur de lycée, nous parlant d’un fameux « fichier compartimenté » qui, à l’entendre, fonctionne avec la précision d’une horloge suisse : « L’organisation a fait que nous ayons un fichier compartimenté : il y a des orientations globales que chaque chef d’établissement peut facilement consulter. Puis les parents peuvent facilement se retrouver. »

« Facilement se retrouver »… Une formule charmante pour décrire des parents errant comme des âmes en peine entre les murs de l’établissement, scrutant un fichier aussi compartimenté que les espoirs de voir une rentrée sereine. On imagine le tableau : d’un côté, un fichier Excel ouvert sur un écran poussiéreux, de l’autre, une foule en transes qui espère que son numéro de loterie (scolaire) sera le bon.

En définitive, la permutation est bien plus qu’un simple échange de place ; c’est le symptôme d’un système qui, chaque année, demande aux usagers de se débrouiller pour combler ses propres lacunes. La rentrée scolaire gabonaise n’est plus une affaire de pédagogie, mais de logistique pure. Et le premier cours de l’année, dispensé à tous, parents comme élèves, semble être un masterclass en débrouillardise institutionnalisée.

 

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