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Gabon : Inauguration en trompe-l’œil d’une station d’eau, la soif persiste à Libreville

Trois mois après l’inauguration en grande pompe d’une nouvelle station de pompage financée par la Banque africaine de Développement, les habitants de nombreux quartiers de Libreville continuent de se battre au quotidien pour s’approvisionner en eau potable. Un contraste saisissant entre les discours officiels et une réalité qui assèche les foyers.
 
Malgré les promesses et les rubans coupés, le précieux liquide se fait toujours cruellement rare dans la capitale gabonaise. En juin dernier, le président Brice Clotaire Oligui Nguema inaugurait pourtant une nouvelle station de pompage, pièce maîtresse d’un vaste programme de 117,4 millions d’euros censé révolutionner l’accès à l’eau et à l’assainissement à Libreville. Financé par la Banque africaine de Développement (BAD) et le fonds chinois Africa Growing Together Fund (AGTF), le Programme intégré d’alimentation en eau potable et d’assainissement de Libreville (PIAEPAL) devait répondre à l’urgence née d’une urbanisation galopante.
 
Pourtant, sur le terrain, le bilan est amer. Dans les secteurs périphériques de la ville, le branle-bas de combat est quotidien. Devant des installations de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) laissées à l’abandon, des familles se bousculent, telles des oasis en plein désert, pour tenter de capter une eau qui ne coule plus dans leurs robinets.
 
Le désespoir a une voix, celle de David Sague, habitant du secteur « Derrière l’Assemblée », qui témoigne d’une décennie de décrépitude : « Ça fait déjà dix ans que ça dure….L’eau coule même parce qu’on a cassé les maisons. Je ne sais si c’est légal ce que nous faisons mais on y peut rien. » Une pratique de survie illégale mais devenue nécessaire, symptôme d’un système en panne.
 
Face à ce manque, un business de la dernière chance s’est organisé. Abdoulaye Bâ, commerçant, expose la lourde facture de cette pénurie : « Pour avoir l’eau nous sommes obligés de payer les services de ceux qui transportent l’eau. Ça nous coûte en moyenne 2500 francs Cfa par jour. » Un budget contraint qui grève le pouvoir d’achat des Librevillois et creuse les inégalités.
 
Ces sauveurs modernes, ce sont des porteurs d’eau comme Janvier Ndong. Avec son équipe, il arpente les rues pour proposer ses services, incarnant le paradoxe d’une capitale où l’eau se transporte à la brouette : « Moi avec mon équipe nous faisons la ronde des maisons qui n’ont pas l’eau pour proposer nos services… Nous transportons cette eau à travers les brouettes. » Une image d’un autre âge qui souligne l’ampleur des défaillances.
 
Enfin, l’épuisement et la lassitude se lisent dans le propos de Willy Ondo, Notable du boulevard, qui décrit un service erratique et défaillant : « L’eau part et vient avec des décalages de temps énormes. Mais quand disparaît ça fait plusieurs mois avant de revenir. Nous sommes fatigués de nous plaindre. » Un ras-le-bol généralisé qui résonne comme un cri d’alarme adressé aux autorités.
 
Entre les ambitions affichées du Plan d’accélération de la transformation (PAT) du Gabon et le vécu des populations, le fossé semble abyssal. L’inauguration de juin apparaît comme un mirage pour des milliers d’habitants qui, trois mois plus tard, attendent toujours que l’eau coule de source.

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