Politique

Délégation de signature présidentielle au Gabon : analyse et comparaison internationale

La décision récente du président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema de déléguer sa signature officielle suscite un vif intérêt et une certaine prudence dans le contexte politique post-transition. Cette initiative, officialisée par un projet de décret adopté en Conseil des ministres le 8 septembre 2025, intervient dans un climat où les abus passés de signature présidentielle, notamment ceux imputés à l’ancienne première dame Sylvia Bongo Ondimba, sont encore présents dans les mémoires collectives.
 
 
 Analyse de la décision présidentielle 
 
 
La délégation vise à « fluidifier l’action administrative et garantir la continuité de l’État dans le respect des principes constitutionnels ».Elle permet ainsi de décharger le chef de l’État de tâches matérielles répétitives pour qu’il se concentre sur des missions stratégiques.Pour les professionnels du droit administratif,  la délégation de signature est un acte administratif personnel et révocable, distinct d’une délégation de pouvoir ou de compétence. Les délégataires pressentis seraient en l’état:  Le vice-président de la République, le vice-président du gouvernement ou un haut responsable administratif.
Le président conserve l’autorité ultime et la responsabilité des actes signés en son nom.
 
 
Contexte politique et sensibilité
 
 
Il est cependant important de rappeler que  les accusations contre Sylvia Bongo Ondimba pour usurpation de signature et falsification durant la convalescence de son mari Ali Bongo Ondimba pèsent lourdement sur cette décision. Une partie de l’opinion publique et des observateurs reste sceptique, craignant une potentielle dérive ou une violation du cadre juridique. Les autorités gabonaises se veulent rassurantes, insistant sur le caractère strictement encadré, temporaire et réversible de cette mesure, qui ne serait pas une « délégation permanente » comme cela a pu se voir ailleurs.
 
À titre de comparaison,  en février 2019, le président camerounais Paul Biya a signé un décret délégant de manière permanente sa signature au ministre d’État, secrétaire général de la présidence. Cette décision était motivée par des considérations similaires d’efficacité administrative, mais dans un contexte très différent de longévité au pouvoir et d’épisodes récurrents d’absences du président. La délégation de Paul Biya était présentée comme permanente, tandis que celle envisagée par le général Oligui Nguema est décrite comme temporaire et strictement encadrée. Le Gabon post-transition cherche visiblement à se distinguer des pratiques opaques de l’ancien régime, contrairement au Cameroun qui est sous le même régime depuis des décennies.
 
Il est crucial de distinguer la délégation de signature d’autres mécanismes juridiques souvent confondus : une délégation de signature autorise une personne à signer des documents au nom du délégant, sans transfert de compétence décisionnelle. Le délégant garde l’initiative et la responsabilité.Cette précision est essentielle pour comprendre que la décision du président Oligui Nguema ne diminue pas son autorité ni ses prérogatives ; il ne fait que déléguer un geste matériel de signature pour des actes préalablement décidés.
 
 
Enjeux et perspectives pour le Gabon
 
 
Mais, la réussite de cette mesure dépendra de la clarté du cadre défini (types d’actes concernés, limites, durée) et de sa communication envers le public pour éviter toute spéculation. Cette décision est perçue comme un test de la volonté du régime transitoire de fonctionner avec rigueur et dans le respect de l’État de droit, se distinguant ainsi des pratiques de l’ère Bongo. Le gouvernement devra trouver un équilibre entre efficacité administrative et nécessité de rassurer quant à l’absence de risque de détournement ou d’opacité.
 
La décision du président Oligui Nguema de déléguer sa signature s’inscrit dans une logique pragmatique de modernisation et de rationalisation administrative. Si elle n’est pas inédite en Afrique (comme l’illustre le cas camerounais), sa particularité réside dans le contexte politique hypersensible dans lequel elle intervient. Son succès et son acceptation dépendent entièrement de la capacité des autorités à démontrer que ce mécanisme est irréprochable, temporaire et totalement maîtrisé, afin de tourner définitivement la page des abus passés et de construire une administration gabonaise plus efficace et transparente.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page