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Gabon : Trente vies en suspens à Makokou : le scandale d’une détention sans fin

Ils sont trente. Trente détenus préventifs oubliés au fond de la prison de Makokou, coupés du monde et de leurs familles depuis près d'un an. Un transfert expéditif, une procédure judiciaire paralysée, des familles réduites au silence : cette affaire soulève une question brûlante. Où est passée la justice gabonaise ?

Imaginez : votre proche est arrêté. Les semaines passent, puis les mois. Aucune audition devant un juge, aucun chef d’accusation formellement retenu, et pour seule explication, un renvoi permanent des responsabilités entre le palais de justice et la Direction Générale des Services Spéciaux (DGSS) . C’est le calvaire que vivent les familles de ces trente détenus, transférés à Makokou le 7 décembre 2024 dans des conditions que le Procureur Général près la Cour de cassation lui-même a qualifiées d’« irrégulières » . Aucun fondement légal clair, aucune autorisation judiciaire, pas même une notification aux familles. La garde à vue de certains a excédé de plusieurs semaines, voire des mois, la durée légale fixée par l’article 66 du Code de procédure pénale .
 
« La juge devait se déplacer et à chaque fois elle nous disait qu’elle attendait les frais de mission de la DGSS pour pouvoir y aller », témoigne Lucie Edzang, porte-parole du collectif des familles .
 
Le chaînon manquant : l’instruction

Au cœur du scandale, une enquête menée en dehors des clous. Les arrestations sont le fait de la DGSS, un organe de renseignement non habilité à exercer des actes de police judiciaire sans le contrôle du parquet . Un chevauchement de compétences qui a créé un conflit institutionnel et paralyse toute la machine judiciaire. Résultat : ni premières comparutions, ni interrogatoires, ni confrontations. La procédure est tout simplement suspendue dans le vide . Même les avocats, pourtant
munis de permis de communiquer, se voient systématiquement refuser l’accès à leurs clients .
 
L’appel des familles à un principe : la loi
 
Prises entre l’angoisse et l’indignation, les familles ont décidé de briser le silence. Le 13 octobre 2025, elles ont interpellé les médias et, à travers eux, le plus haut niveau de l’État. Leur argument est imparable : elles réclament simplement que soit appliquée la promesse du président Brice Clotaire Oligui Nguema, qui s’est engagé lors de la rentrée judiciaire pour une justice indépendante, transparente et respectueuse de la loi .
 
« Le président a fait un discours disant qu’il voulait que la loi soit respectée. Voilà pourquoi on est là. On demande la même chose que lui », a martelé Lucie Edzang .
 
Leur demande est simple, claire et légitime : Le retour immédiat des détenus à Libreville, suivie de leur audition devant un juge  et enfin qu’ils bénéficient d’un procès équitable.
 
« Ceux qui sont coupables, qu’ils soient jugés […] et ceux qui sont innocents, qu’on les libère », insiste la porte-parole, rappelant qu’« une procédure illégale fragilise non seulement les droits des prévenus, mais aussi la solidité du jugement futur » .
 
 

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