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Gabon -campagne électorale : Entre défiance citoyenne et inégalités financières, la crédibilité du scrutin en question

Alors que la campagne pour les législatives et municipales du 27 septembre bat son plein, les opposants dénoncent des dysfonctionnements et un manque de transparence, tandis que le gouvernement assure de sa neutralité.

Trois jours après le lancement officiel de la campagne électorale pour le double scrutin législatif et municipal du 27 septembre, l’enthousiasme semble timide dans les rues de Libreville. Entre suspicions sur la sincérité du processus et contraintes financières pour
les partis d’opposition, les règles d’équité sont visiblement mises en mal . Seuls le parti présidentiel Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB) et l’ex-parti au pouvoir PDG parviennent à mener une campagne visible, bénéficiant respectivement des moyens de l’État et d’un trésor de guerre accumulé durant des décennies au pouvoir.
 
Un processus électoral sous tension
Le gouvernement se défend de toute partialité. Hermann Immongault, ministre de l’Intérieur, avait pourtant reaffirmé plus tôt : « Nous avons l’obligation morale, institutionnelle et politique de faire de ce processus un modèle de rigueur démocratique ». Pourtant, l’opposition et certains candidats indépendants pointent du doigt des irrégularités persistantes. Alain Claude Bilie By Nzé, président d’Ensemble pour le Gabon (EPG) et ancien Premier ministre, s’inquiète : « On nous a dit qu’il y a 950 000 électeurs [lors de la présidentielle]. Là, pour les législatives et locales, on ne nous donne pas le nombre d’électeurs de manière globale ni par circonscription. Ce n’est pas indiqué. ».
 
Le nerf de la guerre : le financement public absent
La loi prévoit une subvention étatique pour les candidats, mais celle-ci n’a toujours pas été débloquée. Geoffroy Foumboula Libeka, coordonnateur du mouvement « Majorité Bloquante », dénonce : « On devait songer à donner aux candidats qui ont droit à ce franc électoral. J’ose espérer que ce n’est pas une stratégie pour étouffer financièrement les candidats autres que ceux du pouvoir. ». Le ministère de l’Intérieur affirme que le dossier est « sur la table du gouvernement », mais aucun décaissement n’est attendu avant le jour du vote.
Des efforts de transparence salués mais insuffisants ?
Le gouvernement met en avant les mesures prises pour garantir un scrutin crédible, avec le déploiement de matériel électoral et la formation des commissaires. Des initiatives de la société civile, comme le Réseau des Observateurs Citoyens (ROC) soutenu par le PNUD, ont été lancées pour surveiller le processus. Par ailleurs, des organisations comme Tournons la Page (TLP) et REDHAC ont œuvré lors de la présidentielle d’avril pour contrer la désinformation et les violences électorales.
 
Cependant, ces efforts peinent à convaincre une opposition sceptique. Emmanuel Mvé MBA, candidat aux législatives et municipales, tempère : « Je ne voudrais pas me lancer dans cette bataille juridique. […] C’est vrai qu’il y a quelques dysfonctionnements, mais qui ne sont pas de nature à remettre en cause la sincérité des opérations. ».
Un contexte historique lourd
Ces élections s’inscrivent dans une période de transition après le coup d’État d’août 2023 qui a mis fin à 55 ans de règne de la famille Bongo. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema, largement plébiscité en avril avec 90,35 % des voix, incarne une promesse de rupture avec l’ancien système. Pourtant, les pratiques persistantes – opacité financière, déséquilibre des moyens – rappellent les travers du passé.
 
Vers un test démocratique crucial
 
Alors que le Gabon tente de tourner la page des décennies Bongo, ces élections sont un test pour la jeune Ve République. La crédibilité du scrutin dépendra non seulement de la transparence technique, mais aussi de la capacité à inclure toutes les voix, y compris celles des plus fragiles financièrement. Comme le résume un analyste, « la démocratie ne se limite pas à un vote ». Elle exige des conditions équitables pour tous les acteurs.

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