FlashInternationalReportageSport

Reportage : À Libreville, les derniers cyclistes en quête de reconnaissance

Dimanche matin, au cœur de Libreville, un peloton d’une quinzaine de cyclistes tranche avec la torpeur habituelle. Leur ligne fluide sur les avenues est un spectacle devenu rare. Ces hommes et ces femmes, mélange de professionnels désœuvrés et d’amateurs passionnés, sont les derniers à croire encore à la roue libre au Gabon. Ils s’accrochent à leur pratique dans un paysage cycliste national en ruine, abandonné par ses structures.
 
Depuis plusieurs années, le cyclisme gabonais est plongé dans un coma profond. La Fédération gabonaise de cyclisme (Fégacy) est pointée du doigt pour son inertie totale : plus de calendrier, plus d’assemblée générale, plus de championnat national depuis 2019. Les ligues provinciales sont à l’arrêt, les clubs en sommeil. Pourtant, sur l’asphalte de la capitale, l’espoir, lui, continue de pédaler. « Quand je suis à la maison et que je vois les autres courir dans d’autres pays : le tour du Rwanda ou le tour de France, je garde toujours espoir et me dis avec le temps les choses vont changer … Nous voulons pédaler, nous voulons compétir. » lance, Christ Essono-Essono, cycliste 
Cette soif de compétition, ces cyclistes la portent en eux comme un moteur, mais sans débouché. Leur réalité quotidienne est celle d’un entraînement solitaire ou en petit comité, sans objectif national à l’horizon. L’arrêt de La Tropicale Amissa Bongo, la grande course internationale qui faisait rayonner le pays, a laissé un vide immense, révélant au grand jour l’absence totale de structuration locale.  « Il n’y a pas de clubs en ce moment… On s’entraîne individuellement … Moi, ce que je veux, c’est une reprise en main des choses par le ministère avec l’organisation d’une assemblée générale de la fédération. Parce que la saison est presque finie là. La prochaine c’est en septembre 2026. » explique, Jean Pierre Poubou, cycliste international 
 
Le sentiment d’urgence est palpable. Le temps presse et les saisons s’écoulent, stériles. La fédération, dont le mandat présidentiel est échu, est perçue comme une coquille vide, un « blocus » qui paralyse toute initiative, comme l’explique un autre cycliste de renom. « Ça fait déjà deux ans  que nous ne faisons pas de tropicale. Le mandat de l’actuel président est fini donc la fédération est inexistante. Pourtant nous avons des personnes de bonne foi qui peuvent bien se présenter et qui sont avec nous à chaque entraînement… mais c’est comme si on était face à un blocus. » déplore, John Nguema Abessolo, cycliste international 
Face à ce vide institutionnel, des volontés locales tentent de s’organiser. Des candidats aux postes de responsabilité dans les ligues, comme celle de l’Estuaire, rêvent de redonner un cadre à la pratique, même modeste. « On aimerait encore… donner la force aux cyclistes en organisant des championnats surtout ici au niveau de la province de l’Estuaire (Libreville). » déclare, Albertine Zoughe, candidate à la ligue de cyclisme de l’Estuaire (LCE) : 
 
Mais en attendant cette hypothétique relance, les cyclistes librevillois restent dans l’ombre. Leur passion est avant tout une affaire de cœur et de santé, une résistance collective à l’oubli. « L’objet de nos entraînements c’est de se tenir en bonne santé en roulant en groupe… Puis pour la mort de la discipline c’est beaucoup mieux de se tenir en groupe. On le fait tous les dimanches matin. Notre souci c’est qu’on est vraiment pas reconnu au Gabon. » s’indigne, Laurent Lomé, amateur de cyclisme :
 
Reconnus ? Non. Mais présents, oui. Ce peloton du dimanche matin est plus qu’un groupe de sportifs. C’est le symbole fragile d’une discipline qui refuse de mourir, un appel silencieux mais obstiné lancé aux autorités pour une refondation urgente. Le cyclisme gabonais mérite mieux que l’oubli, et ces hommes et femmes en selle en sont la preuve vivante.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page