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Guinée : Volker Türk somme les autorités de transition de lever les « interdictions inacceptables » avant les élections

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a adressé jeudi une interpellation ferme aux autorités militaires guinéennes. Dans un communiqué rendu public, il exige la levée immédiate des restrictions politiques
et la libération des détenus arbitraires, alors que le pays s’achemine vers un scrutin présidentiel et législatif crucial en décembre .
Face à un « assaut plus large contre les droits fondamentaux » observé depuis le coup d’État de septembre 2021, M. Türk a estimé qu’il était « essentiel » que la transition vers un ordre constitutionnel se fasse dans le respect des normes internationales, notamment en matière de « participation du public, d’inclusivité et de transparence » . Il a qualifié les interdictions visant les partis politiques et les médias de « tout simplement inacceptables » .
Un paysage politique et médiatique muselé
Les mesures dénoncées sont concrètes et récentes. En amont du référendum constitutionnel du 21 septembre dernier, les autorités de transition ont interdit trois principaux partis d’opposition, les empêchant de mener campagne . Parallèlement, plusieurs médias, dont Guineematin, West Africa TV et Sweet FM, ont été suspendus .
Depuis mai 2022, une interdiction générale des rassemblements politiques et des manifestations pacifiques est en vigueur, une mesure justifiée par des préoccupations sécuritaires mais appliquée de manière large, selon l’ONU, au mépris des droits fondamentaux .
Arrestations arbitraires et disparitions forcées en hausse
Le chef des droits de l’homme de l’ONU s’est dit particulièrement préoccupé par la recrudescence présumée des arrestations arbitraires et des disparitions forcées . Son bureau a connaissance d’au moins dix personnes dont le sort reste inconnu après leur interpellation par les forces de sécurité .
Parmi les noms cités figurent des figures connues de la société civile : l’écrivain et militant Oumar Sylla (dit Foniké Mengué), dont les précédents démêlés judiciaires avec le pouvoir ont été documentés par des organisations de défense des droits humains , et le journaliste Habib Marouane Camara . M. Türk a exigé leur libération ainsi que celle de tous les détenus arbitraires, et la tenue d’enquêtes « efficaces, indépendantes et impartiales » .
Une grâce qui scandalise
Volker Türk a également réitéré son appel à l’annulation de la grâce accordée à l’ancien président Moussa Dadis Camara. Ce dernier avait été condamné à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité en lien avec le massacre d’au moins 156 opposants au stade de Conakry le 28 septembre 2009 . Le Haut-Commissaire a rappelé que « le droit international interdit les grâces pour des crimes aussi graves » .
À l’approche du 16e anniversaire de ce massacre, M. Türk a pressé les autorités de garantir « la responsabilité, la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-répétition » .
Cet appel de l’ONU intervient à un moment critique pour la Guinée, créant une pression internationale accrue sur la junte au pouvoir alors qu’elle promet un retour des civils à la tête du pays d’ici la fin de l’année. La balle est désormais dans le camp des autorités de transition.