
Dans une magnifique démonstration de fermeté… après coup, le ministre de l’Intérieur Hermann Immongault a adressé, mercredi, une note circulaire aux commissions électorales pour dénoncer les
« dérives » et l’ « usage abusif » des procurations ayant entaché le scrutin du 27 septembre.Le ministre y rappelle avec une soudaine vigueur que « nul électeur ne peut détenir plus d’une procuration » et promet des poursuites pénales contre les contrevenants… à l’approche du second tour du 11 octobre .
Cette offensive de moralisation a posteriori sonne comme un étrange aveu. Pendant que le premier tour produisait des résultats « en trompe-l’œil » et « chahutés » dans de nombreuses circonscriptions, le silence des autorités était assourdissant . Il a fallu que les protestations et les images d’urnes renversées à l’étranger fassent le tour des réseaux sociaux pour que le gouvernement daigne reconnaître l’existence de « cas supposés d’irrégularités » . Comme par hasard, ces irrégularités – dont les « carnets de procuration en possession d’individus sans qualité » ou les mandataires votant avec plusieurs procurations – ont profité, selon de multiples observateurs et candidats de l’opposition, à l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), le parti du président Oligui Nguema .
Le ministre « martèle » donc aujourd’hui la loi qu’hier son administration a laissé piétiner. Il annonce même un « dispositif spécial de contrôle » pour le second tour, chargé de vérifier l’authenticité des procurations . Une initiative qui serait salutaire si elle ne soulignait pas, avec une ironie mordante, l’absence totale de tels garde-fous lors du premier tour, pourtant crucial. Cette prise de conscience tardive laisse un goût amer : elle valide les accusations de « mascarade » et de « pagaille organisée » sans en assumer les conséquences, puisque les résultats du premier tour, bien qu’ entachés, restent validés . Le pouvoir semble ainsi dire : « La fraude, c’était avant. Maintenant, on recommence à jouer selon les règles. »
Le plus savoureux dans cette affaire est le timing des remèdes. La Cour constitutionnelle recevra les recours en annulation jusqu’au 8 octobre, tandis que la campagne pour le second tour s’achèvera le 10 octobre . Ce chevauchement ingérable semble conçu pour étouffer dans l’œuf toute contestation sérieuse des résultats du premier tour. On ne peut s’empêcher de penser à la déclaration du Premier ministre de la transition, Raymond Ndong Sima, constatant amèrement : « On est dans la continuité du système qu’on était supposé avoir écarté » . La promesse de refondation portée par le coup d’État d’août 2023 se trouve trahie, et la « Vᵉ République » risque de naître avec les stigmates des pratiques de l’ancienne .
Ainsi, le ministre Immongault a peut-être sifflé la fin de la récréation, mais il l’a fait alors que l’équipe qu’il semble soutenir avait déjà marqué la plupart de ses buts pendant que l’arbitre regardait ailleurs. La vraie question n’est plus de savoir qui a fraudé, mais pourquoi la volonté de punir les fraudeurs n’a émergé qu’une fois le mal accompli et les sièges largement distribués.