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Gabon : Le pari du « zéro plastique » face aux défis du quotidien
L’interdiction des sacs plastiques à usage unique, en vigueur depuis le 23 septembre, est une mesure écologique saluée. Mais son application sur le terrain se heurte à des réticences et à de nombreuses difficultés pratiques.

Une révolution silencieuse est en cours entre les caisses des supermarchés et dans les allées des marchés gabonais. Depuis le 23 septembre, les sacs plastiques à usage unique, ces compagnons omniprésents des courses, sont officiellement bannis. Le gouvernement franchit ainsi un cap dans sa lutte contre un fléau environnemental majeur : la pollution plastique.
Cette interdiction s’inscrit dans le cadre de l’Ordonnance n°0012/PR/2024. L’objectif est sans équivoque : protéger la santé publique et une biodiversité riche, mais menacée. Pour en saisir l’urgence, il suffit de regarder les chiffres. Rien qu’à Libreville, près de 36 tonnes de déchets plastiques sont collectées chaque jour. Un étouffement progressif que le Ministre de l’Environnement, Mays Mouissi, décrit sans détour : « Le Gabon suffoque sous des tonnes de déchets, principalement plastiques. »
Un ennemi tenace pour la nature


Le défi est de taille. Comme le savent les experts, ces sacs, utilisés seulement quelques minutes, mettent plus d’un siècle à se dégrader dans la nature. L’interdiction ne vise pas seulement leur distribution ; elle s’étend également, comme le précisait le communiqué ministériel du 21 juillet, à tout abandon sur la voie publique ou dans les cours d’eau. Une volonté affirmée de s’attaquer au problème à la racine, de la production à la gestion des déchets.
L’idéal écologique face aux réalités du terrain
Pour faciliter cette transition, le gouvernement avait accordé un délai de trois mois aux opérateurs économiques. L’idée était de leur laisser le temps d’écouler les stocks et d’adopter des alternatives durables. Sur le papier, la mesure est imparable. Mais sur le terrain, l’idéal écologique se heurte à la complexité du quotidien.
Dans les boutiques et sur les marchés, le sac Kraft, en papier, est devenu le nouvel étendard de cette lutte. Pourtant, cette substitution n’est pas sans créer de nouvelles tensions. Alassane, boutiquier au marché de Nkembo «Les relations avec les clients sont devenues très compliquées. Les sacs recommandés représentent un coût supplémentaire. Un lot de dix sacs en papier coûte entre 100 et 150 francs CFA. Il faut que le client achète beaucoup de produits pour qu’on puisse lui offrir le sac gratuitement. Sinon, il doit le payer. »
Ce nouveau modèle, où le sac n’est plus un accessoire gratuit, bouleverse les habitudes de consommation. Une dépense imprévue qui est difficilement acceptée par certains clients. «En plus des articles que j’achète, si je dois payer un sac en plus, c’est compliqué. Je pense qu’il y a des problèmes plus graves. Les sachets, c’est une chose, mais il y a aussi toutes ces bouteilles qu’on jette partout. » estime Émilie, venue faire ses achats dans cette épicerie du quartier Cocotiers
Le sentiment d’Emilie reflète une certaine frustration. Si la finalité environnementale est comprise, sa mise en œuvre est perçue comme une contrainte supplémentaire dans un contexte de vie déjà chère.
Des alternatives à améliorer
Malgré ces difficultés, l’interdiction est globalement appréciée, preuve que la conscience écologique existe. Pour être pleinement acceptée, la solution de remplacement doit cependant être pratique et accessible.«C’est une bonne chose de remplacer les sachets à usage unique par des sacs en papier. Mais ils ne sont pas assez grands pour moi qui doit servir de la banane ou du poisson à un client. Il faut revoir cela, d’autant que leurs prix sont élevés. » explique Berthe Ngo, Commerçante au marché de Nkembo
Le constat de Berthe met en lumière les limites actuelles de l’alternative : adaptabilité et coût. Les sacs en papier, dans leur forme actuelle, ne répondent pas encore à tous les besoins, notamment pour les produits en vrac ou humides.
Une transition en cours
Le Gabon a pris une décision courageuse, alignée sur les défis environnementaux de notre temps. La route vers un « Gabon sans plastique » est cependant semée d’embûches. Elle nécessite non seulement un changement des mentalités, mais aussi une offre d’alternatives viables, robustes et financièrement supportables pour les commerçants comme pour les consommateurs. Le premier acte est joué. Le prochain chapitre, crucial, sera celui de l’adaptation et de l’innovation, pour que l’écologie ne soit plus vécue comme une contrainte, mais comme une évidence partagée.