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Gabon : Le procès Sylvia et de Nourredine, un défi judiciaire et diplomatique

La tenue du procès très attendu de Sylvia Bongo et de son fils Noureddin Bongo Valentin, visés par des accusations de détournement de fonds publics, place la justice gabonaise devant un défi de taille. Ce défi, à la fois judiciaire et diplomatique, est brutalement mis en lumière par la récente déclaration de leur avocat, qui a confirmé que ses clients ne se rendront  pas à Libreville pour y être jugés.
 
La défiance de la défense : un « procès-spectacle » et des « tortionnaires »
 
Me Pierre-Olivier Sur, l’avocat français de la famille, a clairement tiré la première salve. Dans un communiqué, il a annoncé que l’ancienne Première dame et le fils de l’ex-président Ali Bongo, actuellement en liberté provisoire à Londres, ne retournent pas au Gabon pour l’audience prévue. La raison invoquée est sans appel : ses clients refusent de « retourner sous la garde de leurs tortionnaires ». La défense dénonce ainsi un « procès-spectacle », un terme qui jette une ombre sur l’impartialité perçue du processus judiciaire et renvoie à un climat politique tendu depuis le coup d’État d’août 2023, lors duquel ils avaient été arrêtés.
 
Cette position place d’emblée le tribunal de Libreville dans une situation complexe. Comment garantir un procès équitable lorsque les principaux accusés le contestent en bloc et invoquent des craintes pour leur sécurité physique ?
 
La fermeté du parquet : rappel à la loi et procédure par contumace
 
Face à cette défiance, la réponse des autorités judiciaires gabonaises, par la voix du procureur général Eddy Minang, se veut un rappel ferme et méthodique des principes du droit. Lors d’un point de presse fin juillet, ce dernier a apporté plusieurs clarifications essentielles.
 
Il a d’abord tenu à expliquer la décision de mise en liberté provisoire, précisant qu’elle avait été accordée pour des motifs médicaux et qu’elle n’était « nullement assortie d’une quelconque mesure d’interdiction de sortie du territoire ». Une précision cruciale qui indique que les accusés n’ont, sur le plan strictement légal, pas enfreint les conditions de leur liberté en quittant le pays.
 
Cependant, M. Minang a immédiatement tempéré cette explication par un avertissement sans équivoque : la liberté provisoire « n’équivaut nullement à un acquittement, ni à un classement sans suite ». Il s’agit d’une « mesure temporaire » qui ne remet pas en cause les charges pesant contre eux ni la poursuite de la procédure.
 
L’arme ultime brandie par le parquet est la possibilité d’un jugement par contumace. Le procureur général n’a pas exclu cette option « au cas où les accusés ne se présenteraient pas ». Un procès se tiendrait donc en leur absence, permettant à la justice de rendre son verdict, mais avec le risque perçu d’un verdict « au goût d’inachevé », comme le reconnaissent certains observateurs.
 
 
Selon les observateurs, le cœur du défi pour la justice gabonaise réside dans la conciliation de plusieurs impératifs. D’un côté, elle doit affirmer sa souveraineté et démontrer qu’aucun justiciable, quelle que soit son importance, n’est au-dessus des lois. Poursuivre l’affaire, même par contumace, est une manière de maintenir cette autorité et de répondre aux attentes d’une « opinion nationale » très attentive à ce dossier.
 
De l’autre, elle doit gérer l’image internationale du processus. Les accusations de « procès-spectacle » et de « tortionnaires », bien qu’infondées pour les autorités, portent atteinte à la crédibilité du système. Un procès en l’absence des accusés, s’il est juridiquement valable, pourrait être perçu à l’étranger comme une justice défaillante, incapable de garantir la sécurité des accusés ou un procès perçu comme équitable par toutes les parties.
 
La situation crée également une tension diplomatique sous-jacente, le Gabon devant désormais engager des procédures d’extradition avec le Royaume-Uni pour tenter de récupérer les prévenus, une démarche souvent longue et incertaine.
 
Le procès est programmé le 10 novembre prochain. La justice gabonaise ne dispose plus assez de temps, parce que le compte à rebours 
est lancé. Elle devra, dans les jours à venir, non seulement préparer son dossier, si ce n’est déjà fait , mais aussi œuvrer à démontrer son indépendance et son équité pour que le verdict, qu’il soit rendu en présence ou en l’absence des accusés, puisse être perçu comme l’expression de la justice et non de la vindicte politique.

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