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Exclusif – Tanzanie: L’opposant Tundu Lissu interpellé, une arrestation qui fait frémir la démocratie
Le leader de l'opposition Tundu Lissu inculpé pour "trahison" après ses appels aux réformes électorales

La tension politique a brutalement monté d’un cran en Tanzanie. Tundu Lissu, figure emblématique de l’opposition et président du parti CHADEMA, a été arrêté ce mardi et inculpé pour un crime des plus graves : la trahison. Son tort ? Avoir publiquement exigé une réforme en profondeur du système électoral, dénonçant des « élections truquées » et réclamant un « gouvernement de transition ». Une accusation qui en dit long sur le climat politique étouffant qui règne dans ce pays d’Afrique de l’Est.
Un retour mouvementé et une opposition muselée
L’arrestation de Tundu Lissu n’est pas un fait isolé. Elle s’inscrit dans une série de mesures répressives visant l’opposition tanzanienne, mais elle marque un tournant par sa sévérité. L’homme n’est pas un inconnu. Son parcours est celui d’un survivant et d’un combattant.
Rappelons-nous : en 2017, Tundu Lissu échappe de justesse à une tentative d’assassinat. Il est grièvement blessé par balles, victime de plus de 16 impacts. Après de longues années d’exil et de convalescence en Belgique et au Kenya, il fait un retour triomphal en Tanzanie en 2023, accueilli par des milliers de partisans. Son objectif affiché : porter haut la voix de l’opposition face au parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), qui dirige le pays sans partage depuis l’indépendance en 1961.
L’accusation de « trahison » : le coup de massue judiciaire
Selon les autorités, les propos tenus par Lissu lors de récentes manifestations dépassent la simple critique politique. En appelant à un « gouvernement de transition » et en qualifiant les dernières élections de « mascarade », il aurait, selon le parquet, franchi la ligne rouge et commis un acte de « trahison ».
Un chef d’inculpation extrêmement lourd, souvent utilisé pour réprimer les dissidents les plus gênants. Dans le code pénal tanzanien, ce crime est passible de la peine de mort, même si celle-ci n’a plus été appliquée depuis des décennies. L’enjeu immédiat pour Lissu est surtout une incarcération potentiellement longue et un procès à haut risque.
Un contexte électoral sous haute tension
Pour comprendre la portée de cette arrestation, il faut la replacer dans le calendrier politique national. La Tanzanie s’achemine vers de nouvelles élections en 2025. Les appels de Lissu et du CHADEMA pour une refonte de la Commission Électorale Nationale (NEC) et pour une plus grande transparence du scrutin touchent directement la légitimité du CCM au pouvoir.
« Cette arrestation est un message clair envoyé à toute l’opposition : toute remise en cause fondamentale du processus électoral sera écrasée avec la plus grande fermeté », analyse un politologue basé à Dar es-Salaam, sous couvert d’anonymat par crainte de représailles. « On criminalise la contestation démocratique. C’est un très mauvais signe pour l’état de la démocratie en Tanzanie. »
Les réactions internationales s’organisent
La nouvelle de l’inculpation n’a pas tardé à provoquer des ondes de choc au-delà des frontières tanzaniennes. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International, ont exprimé leur vive inquiétude.
« L’accusation de trahison contre M. Lissu semble être une tactique destinée à réduire au silence une voix critique de premier plan », a déclaré un porte-parole de l’organisation. La communauté internationale, notamment les bailleurs de fonds, observe désormais avec attention la suite des événements. La gestion démocratique du pays par la présidente Samia Suluhu Hassan, qui avait promis une ère nouvelle de dialogue et d’ouverture après le mandat autoritaire de John Magufuli, est aujourd’hui sérieusement mise à l’épreuve.
Quel avenir pour la démocratie tanzanienne ?
L’affaire Lissu dépasse largement le sort d’un seul homme. Elle est devenue le symbole de la lutte pour les libertés politiques en Tanzanie. Son procès, qui s’annonce comme un événement politique autant que judiciaire, sera un test crucial.
La Tanzanie parviendra-t-elle à préserver un espace pour une opposition légitime et critique ? Ou va-t-elle sombrer un peu plus dans l’autoritarisme, rejoignant la liste des pays où l’ alternance au pouvoir par les urnes n’est qu’une illusion ?
Une chose est sûre : les partisans de Tundu Lissu ont promis de se mobiliser. « C’est notre voix qu’on veut emprisonner », a lancé un militant du CHADEMA. « Mais nous ne nous tairons pas. » La suite dépendra de la capacité de la société civile et de la pression internationale à faire reculer un pouvoir visiblement déterminé à ne plus tolérer la contestation.



