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Manifestations à Tunis contre le pouvoir

Samedi, le cœur de Tunis a battu au rythme d’un spectacle d’un autre âge, une reconstitution historique saisissante : « Le Printemps, dix ans après, le retour »Plusieurs centaines d’amateurs de nostalgie démocratique ont défilé pour un
« grand jeu de rôle » intitulé « L’Opposition : crime passionnel ou crime tout court ? ». L’ambiance était studieuse, presque scolaire, chacun révisant ses fondamentaux : « Liberté d’expression », chapitre potentiellement archivé.

Le scénario était bien rodé. Les figurants, pour la plupart membres de clubs politiques ou associatifs en voie de disparition, brandissaient fièrement des accessoires vintage : des portraits d’« absents » (amis partis en retraite forcée dans des établissements étatiques) et des pancartes aux slogans provocateurs du type « Un peu de contestation, c’est déjà du complot ? ». Le thème musical principal, repris en chœur, était un grand classique : « L’Opposition n’est pas un crime ». Une rengaine tellement oubliée qu’elle a presque fait office de découverte archéologique pour les plus jeunes.
La mise en scène était soignée. En arrière-plan, une imposante figuration policière, discrète et professionnelle, assurait la sécurité du spectacle. « Il faut que tout se passe bien, surtout en présence du public international », semblait souffler un metteur en scène invisible. Les précédentes représentations ayant été un peu trop interactives (avec des arrestations « participatives »), les organisateurs avaient opté pour une version plus soft, moins improvisée.
Les dialogues, écrits par les participants, fusaient, pleins de sous-entendus subtils. « On est là pour discuter ! » lançait un manifestant à l’attention d’un policier qui, par un malentendu évident, semblait plutôt là pour écouter. Un autre, dans un monologue poignant, déplorait : « Le seul dialogue politique qui reste, c’est celui entre l’accusation et la défense au tribunal. » Un troisième, mêlant les genres, tentait un crossover audacieux : « Au lieu de nous faire la leçon, faites donc baisser le prix de la laitue ! » Une manière habile de lier la grande tragédie politique à la comédie du quotidien.
Dans les loges, les critiques internationaux (Amnesty, HRW) affutaient déjà leurs plumes, déplorant que la pièce perde son âme originelle. « L’érosion des libertés, c’était mieux avant », semblent-ils murmurer, regrettant le temps où le spectacle était moins prévisible, plus authentiquement… libre.
La troupe a promis, pour les prochaines représentations, de monter en puissance si la direction (le gouvernement) persistait dans son refus de modifier le script. Ils réclament notamment la libération des acteurs principaux actuellement retenus hors plateau et l’organisation d’une vraie « table ronde » – un accessoire de décor qui, selon certaines rumeurs, aurait été mis au rebut.
Cette production, bien que localisée, s’inscrit dans une tendance mondiale : « L’autoritarisme 2.0, le retour du bon vieux temps, mais avec une meilleure couverture Wi-Fi. » À Tunis, la pièce continue. Le public retient son souffle. Ou est-ce qu’il retient tout simplement sa langue ?



