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Nouvelle taxe d’habitation au Gabon : entre espoirs de l’État et grogne des contribuables

Le gouvernement gabonais a annoncé la création d’une taxe forfaitaire d’habitation, applicable dès 2026 aux logements professionnels et résidentiels. Cette mesure vise à élargir l’assiette fiscale et à générer 2,8 milliards de FCFA annuels dans un contexte où la production pétrolière, pilier historique des finances publiques, est en baisse.
 
La taxe sera collectée via la facture d’électricité, avec la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) désignée comme opérateur de recouvrement. Les zones rurales seront exemptées dans un premier temps. Malgré l’argument officiel d’équité contributive, l’annonce a immédiatement déclenché une vague d’incompréhension dans une population déjà confrontée au coût élevé de la vie.
 
Les détails de la réforme
 
Le prélèvement mensuel s’ajoutera à une facture d’électricité déjà alourdie par plusieurs contributions. Une analyse d’une facture type révèle que près de 20% du montant correspond déjà à des taxes et contributions diverses.
Le choix de passer par la facture SEEG vise à garantir une collecte efficace. L’exemption temporaire des campagnes vise à limiter l’impact sur les populations les plus vulnérables.
 
Sur les réseaux sociaux et dans les rues, les réactions sont vives. Un contribuable s’interroge sur la pertinence de taxer « un produit vital, de première nécessité, les unités EDAN », dénonçant une mesure « aveugle et lâche ». Un autre commentaire demande des clarifications urgentes, notamment sur le sort des locataires qui disposent d’un compteur mais pas de titre de propriété.
 
L’incompréhension d’un propriétaire
 
Face à cette réforme, de nombreux Gabonais expriment leur colère et leur désarroi. C’est le cas d’Albert Ondo, propriétaire d’un domaine immobilier dans le quartier de Nkembo, à Libreville.
 
« Ça devient vraiment insupportable. Entre l’électricité, l’eau, les autres taxes, on a déjà du mal à joindre les deux bouts. Maintenant, on nous annonce une nouvelle taxe sur le simple fait d’avoir un toit. Le gouvernement parle d’équité, mais nous, citoyens ordinaires, on ne voit pas où passe notre argent. On nous promet toujours que ça servira à améliorer nos vies, mais regardez autour de vous : les routes, les hôpitaux… Rien ne change. Pourtant, on nous demande toujours de payer plus. »
 
La critique d’Albert Ondo rejoint celle de l’ancien député Noé Mesmin Kondondo, qui a publiquement accusé le gouvernement de mal gérer les recettes existantes, rendant cette nouvelle mesure « inopportune ».
 
Les craintes d’un futur propriétaire
 
Si les propriétaires actuels sont inquiets, ceux qui projettent de le devenir voient leur avenir se compliquer. Pambou Charles, jeune fonctionnaire en location à Libreville, caresse le rêve de construire sa propre maison. Il nous partage ses craintes dans un café du centre-ville.
 
« Je mets chaque mois de côté, sou par sou, pour un terrain et des matériaux. Avec cette annonce, je me demande si mon projet n’est pas déjà mort-né. Une taxe fixe sur l’habitation, c’est un coût récurrent que je n’avais pas anticipé. C’est un frein de plus, un découragement. On a l’impression qu’au lieu d’encourager les Gabonais à se loger dignement, l’État met des bâtons dans les roues. Quand est-ce qu’on va penser à la jeunesse et à ses projets ? »
 
Pour comprendre la logique gouvernementale, nous avons sollicité l’éclairage de Willy Ontsia, financier et expert-comptable. Il replace cette mesure dans le contexte plus large des réformes en cours, notamment l’assainissement des finances publiques.
 
« Il faut comprendre cette taxe dans le cadre du Pacte fiscal républicain. L’objectif est double : diversifier les recettes face à la baisse des revenus pétroliers et financer les services publics. Le prélèvement via la SEEG garantit une grande efficacité de collecte. Par ailleurs, le gouvernement mène un audit rigoureux des dépenses, notamment des ordonnances de paiement en instance, pour s’assurer que chaque franc correspond à un service réellement rendu. Cette rigueur est nécessaire pour restaurer la confiance. La taxe d’habitation, si elle est bien calibrée, peut être un outil de solidarité où les zones aisées contribuent davantage au financement des besoins collectifs. »
 
Cette vision est partagée par le Directeur général des impôts, Eric Bouma, qui affirme que « l’effort est réparti selon les moyens de chacun » et que « l’argent collecté va servir à l’amélioration de l’environnement des Gabonais ».
Un défi d’équité et de transparence
 
La bataille pour l’acceptation de cette taxe est donc largement une bataille de communication et de confiance. Le gouvernement devra impérativement publier les grilles tarifaires détaillées et les critères précis de classification, et ce, bien avant l’entrée en vigueur en 2026.
 
Cette mesure s’inscrit dans une tension plus large au Gabon, entre la nécessité de renflouer les caisses de l’État et le ras-le-bol fiscal d’une population qui estime que la priorité devrait être la réduction du train de vie de l’État et la lutte contre la corruption avant de créer de nouveaux impôts.
 
L’enjeu final dépasse les 2,8 milliards de FCFA espérés. Il s’agit de démontrer que cette contribution n’est pas un prélèvement de plus, mais bien l’investissement fondateur d’un nouveau contrat social, où chaque citoyen peut visiblement constater le retour sur investissement de ses impôts dans l’amélioration de son cadre de vie quotidien.

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