
Dans un souci de refondation économique très ferme, le président Brice Clataire Oligui Nguema a reçu mardi des représentants du monde des affaires. Objectif affiché : tourner la page des « conventions déséquilibrées » et écrire, avec une encre bien plus patriotique, les prochains chapitres du développement gabonais. Les investisseurs, crayons à la main, ont dû prendre de nouvelles notes.
Face au patron de CIMAF, Anas Sefrioui, et aux émissaires du chinois Hunan Xinzhonao Investment, le chef de l’État a déroulé son nouveau cahier des charges pour faire des affaires au Gabon. Finis les temps où l’on venait simplement extraire ou produire. Désormais, il faudra s’industrialiser, employer des Gabonais, et surtout, créer de la valeur ajoutée localement. Un programme si vertueux qu’il en devient presque suspect aux yeux des habitués des contrats trop avantageux.
La mesure-phare de cette nouvelle doctrine a été dévoilée à l’encontre de CIMAF : l’État gabonais exigera une part plus conséquente dans le capital de la cimenterie. Une manière élégante de dire que la souveraineté économique se monnaie aussi en pourcentage d’actions. En contrepartie de cette levée de boucliers financiers, l’usine de Franceville devra impérativement sortir de terre d’ici septembre 2026, avec une capacité de 1,85 million de tonnes de ciment. Une date butoir qui laisse songeur sur le calendrier des futurs « partenariats refondés ».
Un appel clair, martelé depuis le palais présidentiel : l’ère des accords trop favorables aux investisseurs est « révolue ». Place à une ère nouvelle, où chaque projet devra prouver son attachement au « développement durable », à la « transparence » et aux « intérêts exclusifs de la nation gabonaise ». Des concepts aussi nobles qu’imprécis, qui devraient donner du fil à retordre aux avocats d’affaires des deux camps.
Cette volonté affichée de rééquilibrer les rapports de force économique interroge cependant sur l’avenir. Les investisseurs étrangers, habitués à un certain modus operandi, vont-ils se plier avec enthousiasme à ces nouvelles règles du jeu, où la marge de manœuvre de l’État s’accroît significativement ? Ou verra-t-on, dans les mois à venir, une forme de « grincement des engrenages » dans les négociations, voire un ralentissement des annonces, le temps que chacun évalue le nouveau ratio risque/bénéfice ?
Le président Oligui Nguema pose les bases d’un partenariat économique redéfini, plus exigeant pour les capitaux étrangers. Un pari audacieux, qui pourrait soit marquer le début d’une véritable émancipation industrielle, soit devenir, dans les mémoires, le chapitre où le Gabon a appris que dicter ses conditions a aussi un prix : celui de l’attente, et du regard circonspect des marchés. L’usine de Franceville, et son échéance de 2026, seront le premier test concret de cette souveraineté à l’épreuve des réalités du béton et des chiffres.



