Déchets en Afrique : Tripoli découvre que les ordures, c’est de l’or… en discours

Pendant ce temps, les décharges continuent de fleurir et les initiatives concrètes de se faire rares
Ibrahim al-Arabi Mounir, ministre libyen de l’Environnement et nouveau président des ministres africains de l’Environnement, a récemment déclaré, lors d’une annonce officielle, qu’ »une Afrique propre est une Afrique prospère ». Il a exhorté à transformer les déchets en « opportunité d’innovation » . Noble intention, mais entre les discours triomphalistes et la réalité des décharges à ciel ouvert, il y a un fossé que même le plus optimiste des camions-bennes ne pourrait combler. Retour sur une déclaration qui sent bon le recyclage… de vieilles promesses.
La Libye, futur phare environnemental de l’Afrique ?
Le gouvernement libyen a annoncé avec fierté que le pays accueillerait la 20ème session du Conseil des ministres africains de l’Environnement (CMAE). Une consécration pour un pays souvent associé à des crises politiques plutôt qu’à des avancées écologiques. Selon le communiqué, ce choix serait le fruit d’ »efforts persistants » . On imagine déjà les délégués internationaux arpentant les rues de Tripoli, masques à oxygène optionnel…
L’Afrique face à ses déchets : Le grand écart entre réalité et discours
L’Afrique devrait produire 244 millions de tonnes de déchets par an d’ici 2025, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2016. Moins de la moitié des déchets sont collectés formellement. Dans les zones rurales, c’est souvent le néant. Seulement 4 % des déchets sont recyclés, alors que 70 à 80 % pourraient l’être. Le travail informel (sous-payé et dangereux) compense tant bien que mal l’inaction des États .Plus de 90 % des déchets africains finissent dans des décharges non contrôlées, souvent brûlés à l’air libre. Et ce n’est pas tout, plus des 50 plus grandes décharges du monde sont en Afrique subsaharienne. De quoi inspirer des « innovations »… toxiques.
Entre coopération et effets d’annonce
al-Arabi Mounir n’est pas le seul à briller dans l’art de la déclaration pompée. Les réunions ministérielles se multiplient : la Conférence Ministérielle Africaine sur l’Environnement (AMCEN) à Abidjan a adopté des déclarations de consensus sur la « lutte contre la dégradation des terres » .Le ministre tunisien de l’Environnement a enchaîné les réunions bilatérales, promettant coopération et échange d’expertise .Mais derrière ces agendas chargés, les budgets restent squelettiques : la gestion des déchets absorbe jusqu’à 20 % des budgets municipaux dans les pays à faible revenu, sans couvrir les besoins .
Les faits sont clairs : le recyclage est porté par des collecteurs informels motivés par la pauvreté, pas par une vision politique . Ces « innovateurs » non reconnus triment dans l’ombre pendant que les ministres signent des protocoles. ONU-Habitat et ses partenaires organisent des séries de webinaires pour « partager les connaissances » . Parmi les thèmes : « Comment arrêter le robinet des fuites de plastique ? ». Dommage que l’internet ne puisse pas éteindre les incendies de décharges…
La déclaration de M. al-Arabi Mounir est louable… si elle s’accompagne d’actions. Pour l’heure, l’Afrique reste le continent où les déchets s’entassent plus vite que les solutions. Mais qui sait ? Peut-être qu’en 2025, la Libye montrera l’exemple en transformant Tripoli en capitale du zéro-déchet. Pendant ce temps , les populations attendent, le nez sous les fumées. « L’Afrique propre est une Afrique prospère », disait-il. En effet, il y a de l’or dans les déchets… mais pour l’instant, il est surtout enfoui dans les discours.