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Gabon/Pétrole : La double réforme qui secoue le secteur

« Gabonisation » des emplois versus fin des subventions : entre espoirs et craintes

Le gouvernement gabonais a engagé une transformation radicale de son secteur pétrolier. D’un côté, la « gabonisation » des emplois dans les stations-service et le transport de produits pétroliers, destinée à créer 900 postes pour les nationaux dès fin septembre 2025 De l’autre, la suppression des subventions sur les carburants à partir de janvier 2026, une mesure économiquement nécessaire mais socialement risquée . Reportage au cœur d’un dilemme entre souveraineté nationale et pouvoir d’achat.
 
Le discours officiel : lutte contre le chômage, pas la xénophobie
 
 
Lors d’une réunion avec les marketeurs du secteur pétrolier, le ministre du Pétrole et du Gaz, Sosthène Nguema Nguema, a défendu une mesure phare « Au niveau de toutes les stations-service, ne seront autorisés à y exercer ou opérer que des Gabonais » .
Il justifie cette directive par un taux de chômage des jeunes avoisinant 40%, insistant sur le concept de « préférence nationale » plutôt que de xénophobie . Les postes concernés incluent les pompistes et les chauffeurs de camions-citernes transportant les produits pétroliers « blancs » (essence, diesel, gaz butane) .
 
 
Réactions des opérateurs économiques : entre adhésion et scepticisme
 
 
« Nous allons très rapidement mettre en pratique cette instruction. […] Nous sommes toutes des entreprises citoyennes » a déclaré Jean Baptiste Bikalou, PDG de Petro Gabon .Il salue une initiative essentielle pour résoudre le chômage des jeunes. Pour un gérant de station-service sous anonymat : « La majorité des pompistes sont originaires d’Afrique de l’Ouest, principalement du Bénin. Cette mesure protégera nos jeunes, mais il faut anticiper les pénuries de main-d’œuvre qualifiée » prévient-il.
 
 
Pourquoi cette décision ?
 
 
Le gouvernement gabonais dépense près de 270 milliards de FCFA par an en subventions pour maintenir artificiellement bas les prix des carburants . Selon le ministre, cette réforme vise à « alléger la facture publique » et à rendre le secteur plus compétitif . Les distributeurs pétroliers soulignent que les retards de paiement des subventions par l’État ont gravement affecté leur trésorerie .
 
Conséquences anticipées : inflation et mécontentement social
 
Joseph Antchouey, président du Groupement des professionnels du pétrole (GPP) : « Une subvention n’est bonne que si elle est payée. Sans cela, nombre d’entre nous risquent la faillite » Il prédit une hausse des prix de 200 à 250 FCFA par litre, susceptible de provoquer des pénuries si la transition n’est pas bien gérée.  Réaction d’une consommatrice, Marie-Louise, vendeuse de poisson à Libreville :« Le carburant va coûter plus cher, donc mes frais de transport augmenteront. Je devrais revendre mes produits plus chers, et mes clients auront moins d’argent. C’est un cercle vicieux. »
 
 
Comme on peut le voir, si la « gabonisation » est saluée, des voix s’élèvent pour demander une professionnalisation des métiers du pétrole. Lors de la 2ᵉ Rencontre Africaine sur la Prévention des Risques Professionnels, un expert ivoirien avait alerté sur l’absence de couverture sociale et les risques sanitaires liés à l’exposition aux produits pétroliers. Birdy Mombo, commentatrice sur les réseaux sociaux, souligne :« Il est crucial d’intégrer la CNSS et de prendre en compte la santé et la sécurité au travail. Valorisons et sécurisons ce secteur stratégique.» lance-t-il 
 
Le gouvernement mise sur une croissance hors pétrole de 3,3% en moyenne sur 2024-2026, portée par l’agriculture, le bois et les mines . Les économies générées par la fin des subventions pourraient être réinvesties dans ces secteurs prioritaires.
 
 
La double réforme gabonaise incarne une volonté politique forte de reprendre le contrôle d’un secteur stratégique. Mais elle se heurte à des réalités socio-économiques complexes : chômage des jeunes, précarité des distributeurs, et colère des populations face aux pollutions pétrolières historiques .
Comme le résume un analyste économique : « La gabonisation sans formation serait vide, la fin des subventions sans filet social serait dangereuse. L’État doit avancer avec pragmatisme. »
 
Le Gabon devra donc naviguer entre souveraineté énergétique et justice sociale, sous le regard inquiet des consommateurs et des investisseurs.

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