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Gabon : La nationalisation des emplois pétroliers et bancaires, une mesure populaire aux défis pratiques

Le gouvernement gabonais a annoncé une mesure économique d’envergure : la nationalisation des postes dans les stations-service, le transport de produits pétroliers « blancs »
(essence, diesel, etc.) et les postes de direction au sein des banques du pays. Des secteurs historiquement occupés par une main-d’œuvre étrangère. Effective fin septembre, cette décision vise à lutter contre le chômage endémique des jeunes, mais soulève d’importantes questions sur sa mise en œuvre et ses implications à long terme.
 
Une réponse à une urgence sociale
 
La mesure gouvernementale est perçue par une partie de la population comme une bouffée d’oxygène dans un contexte économique tendu. Elle répond directement à une frustration croissante concernant le chômage des jeunes, lequel est souvent pointé du doigt comme un terreau fertile pour l’instabilité sociale.
 
Guy Pierre, employé du secteur privé, y voit une opportunité d’émancipation pour la jeunesse gabonaise. « Cette décision va permettre à certains Gabonais de s’épanouir parce que le taux de chômage en milieu jeune est important », confie-t-il, exprimant un espoir partagé par beaucoup.
 
Un sentiment que renforce Mamadou Bekale, sans emploi, pour qui l’accès au travail revêt une urgence presque vitale. « Nous jeunes Gabonais, on cherche vraiment le travail. On en a vraiment besoin monsieur le président. Et si on travaille, ça va nous épargner des vices tels que le vol et le braquage ». Son témoignage illustre le lien direct établi par les citoyens entre l’emploi, la dignité et la sécurité.
 
Des bénéfices économiques théoriques salués
 
Au-delà de l’accueil favorable dans la rue, la réforme séduit également par sa logique économique théorique. Louis Paul Motass, analyste économique, salue une initiative potentiellement bénéfique pour la richesse nationale.
 
« Qui dit emplois d’expatriés dans ce secteur dit transfert de capitaux vers l’étranger », explique-t-il. « La mesure va donc permettre de maintenir et d’absorber les revenus des nationaux partie prenante du projet ». En clair, les salaires versés à des Gabonais seront dépensés localement, stimulant l’économie nationale et contribuant à la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB). Selon le ministre gabonais du Pétrole, près de 900 emplois sont concernés à court terme.
Entre enthousiasme et impératif de réalisme
Cependant, l’enthousiasme est tempéré par un impératif de réalisme. La simple annonce d’une nationalisation suffit-elle à la rendre efficace et pérenne ? La mise en garde de l’expert Louis Paul Motass est sans équivoque. « Mais attention, comme dans le secteur bancaire, il est nécessaire de s’assurer de la disponibilité des compétences locales. Dans le cas contraire, il va falloir en former pour limiter les dérapages ».
 
Ce propos met le doigt sur le défi fondamental de cette politique : le gap de compétences. Gérer une station-service, orchestrer la logistique complexe du transport de produits pétroliers ou diriger une banque requiert une expertise technique et managériale spécifique, qui ne s’improvise pas.
 
Conscient de cet écueil, l’analyste économique préconise une approche pragmatique : « Je propose donc une stratégie transitoire d’un à deux ans avant de tout nationaliser ». Cette période de grâce serait destinée à identifier les postes critiques, à former en urgence des cadres gabonais et à mettre en place un système de transfert de compétences avec les employés expatriés actuels, évitant ainsi un vide aux conséquences potentiellement dommageables pour ces secteurs stratégiques.
Une promesse à concrétiser
 
La décision de nationaliser ces emplois est donc accueillie comme une avancée sociale nécessaire et une juste revendication de souveraineté économique. Elle flatte le patriotisme et répond à une anxiété légitime de la jeunesse.
 
Mais entre la volonté politique et la réalité du terrain, le chemin reste à parcourir. Le succès de cette réforme ambitieuse ne se mesurera pas à l’aune des déclarations, mais à sa capacité à concilier deux impératifs : la juste rétribution économique pour les nationaux et le maintien inflexible de la compétence et de la productivité dans des secteurs vitaux pour l’économie gabonaise. Le gouvernement joue son va-tout sur sa capacité à transformer une annonce en un programme de formation et de transition efficace. La crédibilité de la mesure se jouera  dans les faits, à partir de fin septembre.

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