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Madagascar : Andry Rajoelina, le grand absent, promet un discours dans un pays qui ne l’écoute plus

À Madagascar, ce lundi 13 octobre 2025, on joue aux devinettes. La question qui agite les terrasses d’Antananarivo et les réseaux sociaux est simple : « Où est donc passé le président ? » Andry Rajoelina, pourtant réputé pour son sens de la communication, est devenu aussi rare qu’une coupure d’électricité de moins de huit heures. Son dernier signe de vie ? Un communiqué sur Facebook annonçant un grand discours pour 19 heures, comme un influenceur qui promet une révélation fracassante pour faire monter l’audience.
 
Pendant ce temps, dans la capitale, l’ambiance est à la fête. Des centaines d’étudiants défilent au rythme d’une fanfare, agitant des drapeaux malgaches et des symboles du manga One Piece, devenu l’étendard improbable d’une génération qui en a assez de se faire marcher dessus. Leur slogan préféré ? « Andry Rajoelina Masosopory, une parodie cinglante de la chanson de campagne de 2018 du président. Le pouvoir a beau jouer les offusqués, il ne peut pas dire qu’il ne l’a pas vu venir.
 
Le CAPSAT, ou le retour du frère ennemi
 
La véritable star du week-end, c’est le CAPSAT. Cette unité d’élite, qui avait offert le pouvoir à Rajoelina lors d’un coup d’État en 2009, a décidé de lui reprendre le cadeau. Samedi, ils ont publié une vidéo pour dire qu’ils en avaient assez d’être des « lèche-bottes » et ont appelé les autres soldats à ne plus obéir aux ordres. Dimanche, c’est en grande pompe qu’ils ont installé leur propre chef d’état-major, le général Démosthène Pikulas, lors d’une cérémonie à laquelle assistait même… le ministre des Armées en poste. Ce dernier a eu cette phrase historique, digne d’un parrain baptisant son successeur : « Je lui donne ma bénédiction. ». De quoi se demander qui, du président invisible ou du ministre trop présent, est vraiment aux manettes.
 
Le colonel Michael Randrianirina, l’un des meneurs des mutins, se défend pourtant de faire un coup d’État. « Nous avons répondu aux appels du peuple », explique-t-il, ajoutant avec une poésie certaine : « Le pouvoir appartient au peuple, pas à moi. ». Une belle leçon de démocratie venue d’un camp militaire.
 
La grande évaporation des proches du pouvoir
 
Alors que le président s’évapore, son entourage prend le large de manière plus concrète. Son ex-Premier ministre, Christian Ntsay, et l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga, considéré comme le « grand argentier » du président, ont été repérés en train de prendre un jet privé pour l’île Maurice. Ils seraient désormais « sous surveillance » dans des hôtels mauriciens, le temps que les autorités locales décident quoi faire d’eux. Une discrétion qui contraste avec le faste habituel de l’entourage présidentiel.
 
Quant à Rajoelina lui-même, les rumeurs les plus folles circulent. Aurait-il fui à  La Réunion à bord d’un avion de l’armée française ? La présidence dément, bien sûr. Mais dans cette comédie, le quiproquo est total : l’ambassade de France à Madagascar affirme « qu’aucune intervention militaire française n’est en cours ni prévue », pendant que la diaspora malgache de La Réunion s’interroge, dans un communiqué, sur les raisons qui pousseraient la France à « sauver le soldat Rajoelina ».
 
Une contestation née de l’eau et de l’obscurité
 
Il est facile d’oublier que cette crise, la plus grave depuis la réélection de Rajoelina en 2023, a commencé par des problèmes très terre-à-terre. Tout est parti de coupures d’eau et d’électricité incessantes dans un pays où les trois quarts de la population vit dans la pauvreté. Alors que les habitants ne peuvent pas conserver leurs médicaments au frais, le gouvernement investissait allègrement dans un projet de téléphérique de 152 millions de dollars, défendu par le président avec cette argumentation imparable : « la tour Eiffel aussi avait été critiquée au début. ».
 
L’étincelle a mis le feu à une prairie asséchée par les inégalités et la corruption. Le mouvement Gen Z Madagascar, organisé via une page Facebook ayant gagné plus de 100 000 followers en cinq jours, a rejeté toutes les offres de dialogue. Leur position est sans appel : « Nous ne tendons pas la main à un régime qui écrase chaque jour ceux qui se lèvent pour la justice. ».
 
Le discours de la dernière chance ?
 
Reste donc ce discours présidentiel annoncé pour ce lundi soir. Un exercice périlleux pour un homme que plus personne, ou presque, ne semble vouloir entendre. Dans un dernier communiqué, la présidence a affirmé que le président faisait l’objet de « menaces visant son intégrité physique », une annonce qui, pour certains observateurs, pourrait servir à « préparer l’opinion » à une issue finale.
 
Alors que l’Union africaine appelle au calme et à la retenue, la rue, elle, ne désarme pas. Les manifestants ont donné 24 heures au président pour quitter le pouvoir. Son discours sera-t-il celui de la reddition, du sursaut, ou simplement un monologue dans le vide ? Réponse à 19 heures. Si le courant ne vient pas de nouveau de couper.
 

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