FlashInternationalPolitique

Madagascar : Rajoelina, du palais en un « lieu sûr », une sortie en eaux troubles

Dans une allocution aussi attendue qu’ imprécise, le président malgache a finalement parlé depuis un « lieu sûr », sans annoncer sa démission ni révéler sa localisation, tout en appelant au respect de la Constitution qu’il semble pourtant avoir lui-même prise de vitesse. C’est finalement sur Facebook, et non à la télévision nationale, qu’ Andry Rajoelina s’est adressé aux Malgaches, avec trois heures de retard sur l’horaire prévu. La raison officielle ? Des militaires menaçaient de prendre le contrôle de la radiodiffusion nationale. Un détail qui en dit long sur l’état du pays.
 
Le chef de l’État, invisible depuis plusieurs jours, a assuré se trouver dans un « lieu sûr », une expression soigneusement choisie qui évite soigneusement de dire « pays étranger ». Pourtant, selon plusieurs sources, il aurait quitté Madagascar à bord d’un avion militaire français dès dimanche. Une information que l’Élysée ne confirme ni n’infirme, préférant exprimer sa « grande inquiétude ».
 
Respecter la Constitution:  un mantra bien pratique
Face à une crise historique et aux appels pressants à la démission, la réponse de Rajoelina tient en une phrase : « Il n’y a qu’une seule issue pour résoudre ces problèmes : c’est de respecter la Constitution ». Un plaidoyer soudain pour la légalité qui sonne comme un étrange retour aux sources pour celui qui est arrivé au pouvoir par un coup d’État en 2009.
 
Cette défense de l’ordre constitutionnel lui permet d’esquiver élégamment la demande centrale des manifestants : son départ. Le président semble découvrir que « si on ne fait pas ça, la pauvreté va empirer », une réalité que les Malgaches, dont 75% vivent sous le seuil de pauvreté, connaissent depuis bien longtemps.
 
Une valse-hésitation militaire
 
La crise a pris une tournure décisive lorsque l’unité d’élite CAPSAT, celle-là même qui avait porté Rajoelina au pouvoir en 2009, a retourné sa veste et rejoint les manifestants ce week-end. Une trahison qui pique, et qui a contraint le président à admettre qu’une « tentative de prise de pouvoir illégale » était en cours.
 
Ironie de l’histoire, les mêmes soldats qui l’avaient installé au pouvoir pourraient bien être ceux qui l’en chassent. Sur les images, on voit désormais des militaires fraterniser avec les manifestants, dans une ambiance presque festive.
 
La Gen Z malgache, fossoyeur involontaire d’un régime
 
Tout était parti de coupures d’eau et d’électricité, des problèmes tellement banals à Madagascar qu’ils semblaient devoir rester sans réponse. Mais la jeunesse malgache, inspirée par les mouvements similaires au Népal et ailleurs, a transformé cette colère sourde en un rejet frontal du système.
 
Le mouvement « Gen Z Madagascar », organisé via les réseaux sociaux, a réussi là où l’opposition traditionnelle échouait depuis des années : mettre Rajoelina en difficulté. Leurs manifestations, réprimées avec une violence ayant fait au moins 22 morts selon l’ONU, ont révélé l’essoufflement d’un pouvoir incapable de répondre aux aspirations de sa jeunesse.
 
Et maintenant ? Le pays dans le flou
 
Aujourd’hui, Madagascar se réveille avec un président en exil (ou en « lieu sûr », c’est selon), une armée divisée, et une jeunesse déterminée. Le CAPSAT affirme contrôler les forces armées et avoir nommé un nouveau chef d’état-major.
 
La balle est désormais dans le camp des institutions. Le Sénat a déjà destitué son président, Richard Ravalomanana. La suite pourrait voir l’application de cette fameuse Constitution que Rajoelina appelle de ses vœux, avec une transition de pouvoir vers le président du Sénat… à moins que la rue ne décide autre chose.
 
Une chose est sûre : en appelant à « privilégier l’amour du pays », Rajoelina a peut-être trouvé la seule phrase qui puisse encore rassembler tous les Malgaches. Même si ce n’est certainement pas dans le sens qu’il espérait.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page