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Côte d’Ivoire : à quatre jours de la présidentielle, 32 condamnations qui interrogent la justice

À quatre jours du scrutin présidentiel, la justice ivoirienne a rendu, jeudi, un verdict sévère : trente-deux personnes ont été condamnées à trois ans de prison ferme pour « troubles à l’ordre public ». Tous étaient accusés d’avoir participé, le 11 octobre dernier à Abidjan, à une manifestation interdite, appelée par le Front commun. Tous ont pourtant nié avoir pris part à ce rassemblement.
Arrestations contestées, témoignages ignorés
Quarante prévenus se sont succédé à la barre. Leurs récits, unanimes, dépeignent des arrestations ciblées et arbitraires. Interpellés autour du carrefour Saint-Jean à Cocody – point de départ présumé de la marche –, ils affirment avoir été appréhendés alors qu’ils vaquaient à des occupations quotidiennes. L’un d’eux raconte être descendu de son véhicule pour un rendez-vous avant d’être immédiatement interpellé. Une autre déclare se rendre à des funérailles.
Face à ces témoignages concordants, le parquet est resté inflexible. Selon lui, la grande majorité des accusés a été prise en flagrant délit de participation à un rassemblement interdit. Réclamant trois ans de prison ferme, il a asséné que « la liberté de manifester ne saurait être confondue avec le désordre ».
Un verdict qui tombe comme un couperet
Après plusieurs heures d’audience, le tribunal n’a relaxé que huit des prévenus. Un verdict qui a provoqué l’indignation des avocats de la défense, dénonçant des condamnations injustifiées. Me Roseline Serikpa, l’une de leurs conseils, fustige une accusation « grotesque » : « Dès les premières heures de la journée, les forces de l’ordre ont occupé les lieux. Il n’y a même pas eu un début de marche. Alors accuser nos clients d’avoir été des manifestants, d’avoir troublé l’ordre public, c’est grotesque. » La décision sera formellement contestée en appel.
Une répression judiciaire qui s’accélère à l’approche du scrutin

Ce verdict s’inscrit dans un contexte de durcissement judiciaire palpable. La semaine dernière, une cinquantaine de personnes avaient déjà écopé de peines similaires. Soixante-cinq autres prévenus doivent encore comparaître dans les prochains jours. Selon le ministère ivoirien de l’Intérieur, plus de 700 individus ont été interpellés ces derniers jours.
À quelques jours d’une élection cruciale, ces condamnations massives posent une question grave : celle de l’instrumentalisation de la justice pour étouffer toute velléité de contestation.
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