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Bintou Keita quitte la Monusco : un départ aussi rapide que la réaction du M23

Après presque cinq ans à piloter la plus grande et l’une des plus anciennes missions de maintien de la paix de l’ONU en RDC , Bintou Keita a plié bagage ce dimanche. Une sortie par la petite porte, en avance sur le calendrier, qui laisse derrière elle une mission en pleine contraction et un conflit qui s’étend comme une tache d’huile.
Un départ « personnel » qui sent le soufre
La ligne officielle est impeccable : un départ pour « raisons personnelles ». La Monusco y tient, le secrétaire général Antonio Guterres approuve, et la porte-parole martèle le message. Un exercice de communication aussi huilé que le mécanisme de retrait progressif de la mission.
Pourtant, dans les couloirs feutrés de New York et les ruelles animées de Kinshasa, les rumeurs bourdonnent. Des « enquêtes internes » seraient en cours. La mission dément, bien sûr. Mais dans une mission souvent accusée d’opacité, le doute s’installe aussi facilement qu’un contingent. Toujours est-il que Mme Keita, qui avait déjà failli partir en février, a finalement choisi une retraite anticipée, direction Paris. Un timing qui évite soigneusement la prochaine tempête politique congolaise.
Un mandat sous tension : accusatrice, puis déménageuse
Son bilan ? Une mission sous pression constante. Bintou Keita a eu le courage rare de pointer directement du doigt Kigali dans la résurgence de l’offensive du M23, se mettant à dos le Rwanda et ses alliés. Une franchise qui tranchait avec le langage diplomatique habituel, mais qui n’a pas fait reculer les combattants.
Ironie du sort, c’est aussi sous sa direction que la Monusco a accéléré son grand déménagement. Sortie du Kasaï, du Tanganyika, du Sud-Kivu… L’ONU se concentre désormais sur l’épicentre de la crise, le Nord-Kivu et l’Ituri, comme un pompier qui se replierait dans la seule pièce encore en feu.
La course à la succession : un fauteuil très (américain) convoité
Qui pour reprendre ce navire en perdition ? En attendant le messie (ou le bouc émissaire), la mission jouera les intérims : d’abord Bruno Lemarquis, puis Vivian van de Perre tiendront la barre pour décembre. Un mois de transition pour une mission en transition permanente.
Mais pour la suite, les pronostics vont bon train. Les paris sont ouverts, et les noms qui circulent le plus ont un fort accent… américain. David Gressly, ancien numéro deux bien connu sur place, et James Swan, ex-ambassadeur US à Kinshasa et actuel patron de l’ONU en Somalie, sont les favoris. Preuve, s’il en fallait, que même si la mission se réduit, le jeu d’influence des grandes puissances, lui, reste opérationnel.
Une chose est sûre : le successeur héritera d’un mandat impossible : stabiliser une région en guerre avec une mission en train de plier boutique, sous le regard critique d’un gouvernement congolais qui réclame son départ et d’une population qui n’en peut plus. Un poste à haut risque, pour lequel il faudra plus qu’une simple « décision personnelle » pour postuler.



