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RDC-RWANDA: vers un accord définitif de cessez-le-feu ?

À des milliers de kilomètres des combats qui ravagent l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame se rencontreront ce jeudi à la Maison Blanche. Sous les auspices du président américain Donald Trump, ils procéderont à la signature formelle d’un accord de paix conclu en juin dernier, mais qui n’a jamais été appliqué . Cette cérémonie intervient dans un contexte d’intenses combats sur le terrain et alors que les précédentes tentatives de paix ont systématiquement échoué, interrogeant sur la capacité de la communauté internationale à imposer une paix durable.
 
L’accord qui doit être signé ce jeudi a été initialement paraphé à Washington le 27 juin 2025 par les ministres des Affaires étrangères des deux pays . Son contenu prévoyait déjà deux engagements clés : le  retrait des troupes rwandaises du territoire congolais dans un délai de 90 jours et la fin du soutien rwandais aux milices M23, ainsi que la fin du soutien congolais aux groupes armés anti-rwandais comme les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) .
 
Cet accord s’inscrivait dans un « processus en quatre étapes » plus large, comprenant également un accord sécuritaire direct entre Kinshasa et le M23, et des accords de coopération économique entre la RDC, le Rwanda et les États-Unis .

Problème majeur : le cessez-le-feu prévu par cet accord de juin n’a jamais été respecté. Les combats ont repris dès l’été 2025, à peine l’encre séchée . Cette signature du 4 décembre apparaît donc davantage comme une relance diplomatique formelle d’un texte déjà violé, plutôt que comme une nouvelle avancée.
 
Le fossé vertigineux entre la diplomatie et la réalité du terrain
 
Alors que les préparatifs de la cérémonie de Washington sont en cours, la situation sur le terrain dans les provinces du Kivu est décrite comme « catastrophique » et se détériorant « de minute en minute », selon les termes même du M23 .
 
De violents affrontements sont rapportés autour de Kamanyola, Katogota et dans la région de Kaziba, contraignant les civils à se cloîtrer chez eux et paralysant toute activité socio-économique.  L’armée congolaise (FARDC) accuse les forces rwandaises et le M23 d’attaquer ses positions. En face, le M23 accuse les forces burundaises, alliées à Kinshasa, de détruire des habitations dans des zones peuplées. On rappelle qu’ un accord préalable, signé à Doha mi-novembre entre Kinshasa et le M23, n’a pas non plus suffi à calmer les hostilités .
 
Cette persistance de la violence illustre un schéma récurrent : la signature d’accords n’entraîne pas leur application sur le terrain, où les logiques de conflit, de contrôle territorial et des richesses minières prévalent .
 
Pourquoi les accords de paix échouent-ils systématiquement ?
 
L’échec des processus de paix dans l’est de la RDC n’est pas nouveau. Les experts pointent plusieurs obstacles structurels qui se répètent .
Manque de confiance et mauvaise foi. Les deux camps s’accusent mutuellement de soutenir des groupes armés ennemis(Rwanda/M23 vs RDC/FDLR) et de violer les cessez-le-feu. Cette méfiance profonde sape toute mise en œuvre .
 
Complexité des médiations et agendas divergents. De multiples acteurs internationaux et régionaux sont impliqués(États-Unis, Qatar, Union africaine, Angola, Kenya, etc.), parfois avec des approches contradictoires. La communauté internationale est souvent critiquée pour son manque de pression conséquente et son incapacité à imposer des sanctions efficaces .
 
Enjeux économiques et contrôle des ressources
 
La région du Kivu est riche en minerais(or, coltan, etc.). Le contrôle de ces ressources est un moteur majeur du conflit, ce qui rend un accord politique purement sécuritaire insuffisant .
 
Le rôle des États-Unis : un pari risqué
 
L’implication directe de l’administration Trump, qui fait de cet accord une priorité de sa politique étrangère, introduit un nouvel élément . Pour Washington, l’enjeu dépasse la stabilisation régionale. Le conseiller américain Massad Boulos a évoqué des « chaînes d’approvisionnement transparentes en minéraux » et des investissements américains, liant explicitement paix et accès aux ressources critiques de la RDC .
 
Cependant, le chemin est semé d’embûches. La rencontre de jeudi a été reportée à plusieurs reprises (initialement prévue en octobre, puis les 13 et 21 novembre) en raison de désaccords persistants entre les parties . La RDC avait notamment conditionné sa participation au retrait préalable des troupes rwandaises, une exigence que Kigali rejette .
 
Et après la signature ? L’épineuse question de la ratification
 
La cérémonie de Washington, bien que symboliquement forte, ne garantit en rien l’application de l’accord. Un obstacle juridique majeur se dresse en RDC : la nécessité d’une ratification parlementaire.
 
Contrairement au Rwanda, où le Parlement a déjà autorisé la ratification, l’accord devra être voté par le Parlement congolais pour avoir une force juridique contraignante . Sans cette étape, il restera un simple engagement politique, susceptible d’être contesté et privé de base légale pour sa mise en œuvre . Cette asymétrie place la RDC dans une position de vulnérabilité juridique.
 
Un accord de plus ou une réelle opportunité ?
 
Alors que les présidents se préparent à une poignée de main sous les flashs des caméras à la Maison Blanche, la question centrale demeure : cet accord marquera-t-il un tournant, ou rejoindra-t-il la longue liste des textes signés puis ignorés ?
Pour que cette initiative soit plus qu’un rituel diplomatique, elle devra impérativement s’accompagner de mécanismes de vérification crédibles et indépendants, d’une pression internationale soutenue sur les parties pour qu’elles respectent leurs engagements, et d’une volonté politique réelle à Kinshasa et à Kigali de faire prévaloir la paix sur les logiques de guerre.
L’histoire récente de la région montre que sans ces ingrédients, la signature du 4 décembre risque de n’être qu’un énième épisode dans un cycle de violence et de diplomatie vaine.

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